« Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. » Confucius.
J’ai eu l’occasion depuis que je pratique la Médiation Professionnelle de clarifier ce sujet à des relations professionnelles ou à des proches. En effet, beaucoup pensent qu’être empathique est ce qu’il y a de mieux dans l’élan que nous pouvons avoir vers l’autre. Ce n’est pas tout à fait vrai.
L’empathie a un impact limité.
Avant de vous exposer les limites de l’empathie pour vous proposer une autre posture bien plus percutante, l’altérité , je voudrais revenir sur une notion importante que je nommerai « Le Référentiel de chacun ».
Le référentiel de chacun
Chaque personne a un référentiel de pensées, ses habitudes de pensée.
Ces habitudes de pensée, nous les développons tous autant que nous sommes car nous en avons besoin pour ne pas nous poser de questions tout le temps. Elles s’inscrivent dans notre cerveau et sont véhiculées par les générations qui précèdent puis par notre propre expérience.
C’est ce qui nous permet, par exemple, de construire un point de vue et de nous sentir légitimes dans sa construction.
J’aurais pu aussi utiliser l’image du cadre. Vous vous êtes créé un cadre dans votre tête auquel vous comparez toutes les informations que votre cerveau reçoit.
L’Empathie
L’empathie, est une posture qui me permet de me mettre à la place de l’autre, pour imaginer comment il/elle pense et comment il/elle peut réagir.
Avec l’empathie, je me mets à la place de l’autre.
Dans cette approche de l’autre, le référentiel, c’est moi-même. C’est-à-dire que je vais comparer l’autre à moi. Je vais réfléchir à ce qu’il peut ressentir dans ce cas-là. Je me réfère à mon référentiel.
Des expressions typiques de l’empathie, est « si je comprends bien », « je sens que vous », je « vois que vous ». Je parle de qui ? De moi.
Avec l’empathie, je vais me positionner en « pédagogue soignant » :
- Cela sous-entend que l’autre est malade
- Et que je vais lui appliquer un traitement.
La limite de cette posture est justement dans cette dernière phrase. Si je suis soignant, je ne donne pas à l’autre les moyens de se soigner lui-même.
Par ailleurs, si le référentiel de mon interlocuteur est différent du mien, je ne vais pas m’identifier à ce que l’autre me dit et je risque de nier ses émotions, les diminuer voire même le dénigrer. Je basculerai alors dans le langage de l’adversité.
Prenons un exemple : Un/e ami/e a reçu un coup de bambou sur la tête. Elle se met à pleurer.
Supposons que je ne connaisse pas la dureté du bambou, je peux éventuellement faire une analogie avec un bois que je connais. Au mieux, je compare à mon référentiel. Au pire, je ne trouve pas d’équivalent dans ma tête. Je ne vais donc pas avoir de réponse émotionnelle car je ne connais pas la sensation. Comme je suis proche de cette personne et que je ne souhaite pas qu’elle souffre, je vais lui donner un médicament pour la tête, par exemple, sans pour autant reconnaître la douleur qu’elle traverse.
Pour revenir à l’expression « si je comprends bien », que se passe-t-il si je ne comprends pas ? Est-ce que ça signifie que mon ami/e n’a pas mal ?
L’Altérité
Au contraire, dans le cas de l’altérité, le référentiel est l’autre. Cette posture permet de faire réfléchir l’autre. Je me positionne en pédagogue et fais réfléchir la personne pour qu’elle prenne conscience de son comportement, de ses agissements. La personne va pouvoir, suite à cette prise de conscience se mettre en mouvement et mettre en place les actions nécessaires pour changer une situation qu’elle comprend désormais.
Avec l’altérité, je donne du sens aux propos des personnes que j’accompagne, plutôt que de prendre parti, de m’identifier ou de m’impliquer.
L’altérité est une posture qui permet de mettre les émotions au service de la raison. Elle permet aux Médiateurs Professionnels de garder la bonne distance avec les émotions des personnes qu’il accompagne pour faire réfléchir les personnes.
Dans l’altérité, il y a la rigueur du constat. C’est un peu comme un médecin. Se laisse-t-il dépasser par ses émotions à la vue d’une blessure sanguinolente ? Non. Il prend la juste distance par rapport à la blessure pour pratiquer des actes techniques et pour que la personne retrouve son autonomie après ça.
Dans l’expression en altérité, nous parlons de l’autre à l’autre : « Ce que vous dites c’est que vous avez reçu un coup de bambou qui vous a fait très mal et que vous vous êtes mis à pleurer ». Dans cette expression, la personne se sent reconnue dans sa douleur.
L’altérité me permet de reconnaître l’autre en tant qu’il est autre.
Elle me permet de découvrir qu’il y autant de possibles que de personnes, que le champ des possibles est bien plus grand que mon seul référentiel.
L’Altérité me permet d’agrandir mon cadre.
Pour conclure, l’altérité est une posture adoptée par les médiateurs professionnels qui permet de rendre les personnes accompagnées autonomes.